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La solitude du coureur de fond
23 Février 2014 - Commission communication (Commission comunication)

QUAND LE THÉATRE SUBLIME L’ŒUVRE D’ALAN SILLITOE

Adapter au théâtre La solitude du coureur de fond, ce grand classique de la littérature britannique, il fallait oser. La Compagnie La Lune et l’Océan et Patrick Mons l’ont fait. Et avec quel succès ! Récit d’un très beau spectacle auquel j’ai assisté, le jeudi 6 février dernier à Saint-Ouen (Paris) dans un lieu de brassage artistique, MAINS D’ŒUVRES.

 








AMI(E)S ATHLÈTES ET INTERNAUTES CURIEUX avant d’entrer dans le vif du sujet, je tiens à m’excuser pour l’aparté qui va suivre. À l’heure où il faut résumer sa pensée en moins de 140 signes, peut être le trouverez-vous un peu long. Mais, il vous aidera à mieux comprendre pourquoi je vous parle à nouveau de La Solitude du coureur de fond. Et croyez-moi sur parole, c’est loin d’être fini. Vous risquez même d’être surpris.

 Rendez-vous à MAINS D’ŒUVRES

J’entretiens avec cette nouvelle d’Alan Sillitoe une relation spéciale ; tout ce qui tourne autour d’elle, se dit, s’écrit m’intéresse depuis longtemps déjà. Et si l’occasion d’un voyage sur Paris se présente, je furète… Et justement, elle se présente ce jeudi 6 février dernier. Je prends le train pour Paname. J’y vais pour jouer les touristes le temps d’un week-end, flâner et déambuler au hasard de l’humeur du moment. Mais avant de partir, je fais un tour sur internet pour voir si un concert de musique, un film ou autre mérite le détour. Et là, je découvre que La Compagnie La Lune et l’Océan donne à MAINS D’ŒUVRES, un lieu de rencontres artistiques à Saint-Ouen, le jeudi 6 et le vendredi 7 février, deux représentations de La solitude du coureur de fond (1). Créée, mise en scène et jouée par Patrick Mons, la pièce adapte ce grand classique de la littérature britannique d’Alan Sillitoe. Quand je téléphone pour réserver, j’apprends que le vendredi soir est sold out. Il reste seulement quelques places pour le jeudi soir. Je réserve deux places. Et le soir venu, le trajet en métro sur la ligne 13, aux stations aux noms évocateurs de Guy Môquet, Garibaldi, me met déjà dans l’ambiance. Voilà comment ce jeudi 6 février dernier, dans une petite salle de 150 places qui favorise un rapport intimiste avec les comédiens, on peut presque les toucher, j’assiste à un très beau spectacle.

Par la grâce d’une offrande

La solitude du coureur de fond adaptée et mise en scène avec une inventivité jouissive par La Compagnie La Lune et L’Océan c’est du théâtre. Du très beau théâtre ! En mêlant la vidéo, la musique, le son, le jeu sur le texte et sur la lumière on retrouve (pour les connaisseurs), on découvre (pour les autres) toute la puissance libertaire de la nouvelle d’Alan Sillitoe. C’est l’histoire de la fidélité d’un homme à la liberté, à sa liberté de penser et d’être ce qu’il veut être « et ça sera toujours comme ça ». Elle se passe dans l’Essex à Nottingham. Après un mauvais coup, Colin Smith un jeune prolo doué pour la course à pied s’y retrouve mis sous les verrous dans une maison de correction. Le directeur trace la ligne blanche. Il veut lui faire confiance durant son séjour. S’il joue le jeu, fait du bon boulot et aussi gagne la coupe nationale du Ruban bleu de la course de fond des maisons de correction. Alors c’est sûr, à sa libération, il sera un honnête homme. Mais la seule chose qui l’intéresse, c’est sa guerre à lui.

Au fil de cette invitation à la méditation, Alan Sillitoe montre comment on se confronte à la solitude qui fait l’essence de ce que nous sommes. La solitude qui nous place devant un choix. Un choix que seul nous pouvons faire : je suis ma route ou celle des autres ? Le choix de la liberté. Ce choix que Rudyard Kipling a magnifié dans son poème Si (2). Là, par la grâce de la littérature, dans la foulée d’une conscience en éveil un homme debout parle aux autres. Cette offrande de La Compagnie La Lune et L’Océan portée par la traduction de François Gallix restitue la voix d’Alan Sillitoe — sa musicalité.

La belle performance du comédien coureur de fond

Ici, le texte est une partition. Elle est jouée sur une scène au décor épuré, bordée de lumières sur les côtés, où le noir domine. Trois poursuites, des découpes et quelques projecteurs suspendus éclairent un lit, une chaise, un podium tronqué (il manque la marche de la 3ème place). Quand la lumière s’éteint. Et revient pour le début de la pièce, dans la peau de Patrick Mons, Colin Smith habite la scène !

Aux premiers mots, « Dès mon arrivée à la maison de correction, ils ont fait de moi un coureur de fond », il saisit le spectateur et l’emmène sans relâche dans sa course, dans une intense aventure textuelle et sensorielle jusqu’au final en pied-de-nez. De sa voix chaude et pleine de gouaille, il joue de toute la gamme des possibles du phrasé ; intonations, pause, relance, souffle, contrepoints et échos musicaux. Sur sa foulée et ses pas qui marquent le tempo, le beat, il clame, scande, déclame les mots sur la musique d’Art Pepper jouée sur scène par le saxophoniste Ésaïe Cid. Le comédien et le musicien se renvoient la balle, se portent, se supportent, se combinent, se soutiennent, à l’unisson ouvrent des portes au gré de l’inspiration et du thème lancé par le saxo (et la clarinette). Entre les deux, complices, le feeling passe ; ils donnent du souffle à cette course de fond épique pour le plus grand bonheur du spectateur. L’image saturée de gris et de blanc, on distingue juste les formes, elle, par le jeu de la vidéo, nous entraîne sur les chemins que parcourt Colin Smith. Bois, champs, haies, fossés, arbres, sentiers… défilent sur le rideau en fond de scène pendant que le plateau en réverbère les bosses, creux et rugosités du sol. On a la sensation de les ressentir sous les pieds à chaque appui. On vit un rituel mental et sensoriel. L’image suit l’allure du coureur solitaire dont la pensée voyage, court. La lumière subtile éclaire, sculpte, découpe, met en relief et nous plonge dans une ambiance de film noir.

Avec cet écrin fait de peu, Patrick Mons réalise une belle performance en donnant la vie à Colin Smith. Dès le début, l’intensité du spectacle va crescendo. À plusieurs reprises, il tutoie les étoiles comme quand il évoque ses jeux sur la télé avec son copain Mike, le fric-frac dans la boulangerie, le flic qui vient cogner à sa porte et va finir par le faire tomber. Il atteint son climax dans le dernier quart d’heure quand il pense à la mort de « hors-la-loi » de son père, et son formidable pied-de-nez final.

À l’écoute de ce récit « inventé et fabriqué au fur et à mesure que Colin Smith courait, qu’il entrait dans la vie en courant » d’Alan Sillitoe, on est frappé par sa modernité, son actualité encore aujourd’hui. Le tout avec humour. Car on rit aussi dans cette pièce. Les longues sorties d’entraînement de Colin Smith dans la campagne environnante sont le prétexte à des voyages (monologues) intérieurs sur l’autorité, l’honnêteté, la guerre, les « pour la loi », la télévision, la publicité, les ridicules « gras-du-bide-aux-gros-yeux », les ducs et les ladies, sur ceux qui sont morts parce qu’ils ont le dessus sur quelqu’un, sur courir pour de l’argent. C’est une victoire pour Patrick Mons de rendre cela possible tout en courant sur place.

Une œuvre de la Compagnie La Lune et l’Océan à faire connaître au plus grand nombre, passez le message à vos voisins !

À la fin du spectacle, avant même le retour du comédien et du musicien pour le salut, la salle conquise délivre une ovation debout. Comme à un concert de rock n roll ça youyoute, ça siffle, ça crie bravo, ça applaudit à tout casser. Au moment du salut, la ferveur monte d’un cran. Des « bravos Patrick ! », « bravos Esaïe ! » fusent de partout. Les deux hommes ont le regard qui brille et la main sur le cœur en guise de remerciement. Moi je suis heureux !

La Compagnie La Lune et L’Océan mérite d’être plus connue pour le théâtre inventif qu’elle joue et la sincérité de sa démarche. Texte, images, son, lumière, jeu et musique tissent une œuvre originale. Poétique, semée d’humour, intime et sensorielle. Surtout si La Solitude du coureur de fond passe par chez vous, aucune hésitation. Courrez-y !

Vous verrez du théâtre qui donne à réfléchir et aide à vivre. Vous verrez du très beau théâtre tout simplement.

Après la représentation comme nous, vous aurez même le plaisir de rencontrer toute l’équipe de La Lune et L’Océan.

Pierre-Antoine Garcia
Vice-président du VRAC chargé de la Communication

1. Dans l’interview à venir de Patrick Mons, je vous présenterai plus longuement ce lieu.
2. « Si tu forces ton cœur, tes nerfs, et ton jarret / À servir à tes fins malgré leur abandon, / Et que tu tiennes bon quand tout vient à l'arrêt, / Hormis la Volonté qui ordonne : « Tiens bon ! »[…] / Si tu sais bien remplir chaque minute implacable / De soixante secondes de chemins accomplis, / À toi sera la Terre et son bien délectable, / Et, - bien mieux - tu seras un Homme, mon fils. »


La solitude du coureur de fond
Mise en scène et jeu : Patrick Mons
Création musicale, saxophone et clarinette : Esaïe Cid
Vidéo : David Cid
Régie lumière : Yann Le Bras
Régie son : Guillaume Billaux
Tarif unique : 5 euros

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